Lettre ouverte

Pour une gauche de rupture, vivante et enracinée : pourquoi je me lance dans la course au co-porte-parolat de Québec solidaire

Je m’appelle Geru Schneider, j’ai 33 ans. Je suis fils d’immigrants chiliens dont certains membres de ma famille ont fui la dictature. Je suis le fruit d’un peuple qui a résisté, aimé la liberté, payé cher pour la dignité. Ce parcours familial a façonné ma boussole politique : la solidarité, la justice et l’émancipation.

Aujourd’hui, j’annonce ma volonté de me présenter au poste de co-porte-parole masculin de Québec solidaire.

Je le fais avec une certaine gravité et un grand espoir. Gravité, car nous vivons une période de bascule sociale, écologique et politique. Espoir, parce que je suis convaincu que Québec solidaire peut redevenir un véritable mouvement de rupture : enraciné dans les luttes, vivant, démocratique et capable de porter un projet d’émancipation collective.

Je viens des mouvements sociaux. J’ai fait la grève étudiante de 2012. J’ai milité pour le droit au logement, l’éducation gratuite, aux côtés de syndicats, de groupes communautaires et de campagnes de solidarité internationale. J’ai côtoyé le milieu communautaire, les milieux syndicaux, la politique municipale comme attaché politique… et même l’usine.

Ce que j’apporte, ce n’est pas un CV politique de carrière. C’est un parcours de terrain. Une conviction : la politique ne peut pas être coupée des espoirs et des colères réelles de notre monde.

Une gauche de rupture, parce que le monde exige mieux

Nous sommes plusieurs à croire qu’il faut rompre avec une certaine idée de la politique. Rompre avec la personnalisation à outrance. Rompre avec le culte des marques, des figures, des visages solitaires. Je ne veux pas être un chef, une vedette ou un homme providentiel. Je veux être un porte-voix. Un vrai porte-parole. Non pas pour moi, mais pour celles et ceux qui luttent pour des communs, pour la liberté, pour la dignité.

Québec solidaire doit redevenir un parti qui ose. Une gauche assumée. Une gauche de la rue, des droits sociaux, des oubliés, des Premières Nations, des luttes féministes et antiracistes, antifascistes, internationaliste, de la solidarité et d’autodétermination.

Pourquoi une gauche de rupture ?

Parce que notre époque est marquée par l’effondrement climatique, la montée des inégalités, l’effritement de nos acquis sociaux, la montée des droites extrêmes et de l’extrême droite et des reculs démocratiques. Une gauche de rupture ne gère pas ces crises : elle nomme le système qui les produit — le capitalisme — et elle s’y oppose. C’est une gauche post-croissance, écoféministe et radicalement fraternelle. Un mouvement qui pense l’écologie comme un projet de société, ancré dans la justice, le soin, la vie collective.
Je crois à l’indépendance du Québec. Mais pas à celle des murs ni de l’exclusion. Je crois à une indépendance décoloniale, antiraciste, plurielle, populaire. Une indépendance qui reconnaît les Premières Nations d’égal à égal, et qui refuse de répéter les silences et les exclusions du passé — comme ces propos de 1995 sur les « votes ethniques », qui ternissent et hante encore notre histoire et notre beau projet politique émancipateur.

Rendre le parti aux membres

Ce qui me pousse à me lancer, c’est aussi le constat que notre démocratie interne a été fragilisée. Trop souvent, des décisions structurantes ont été prises sans débats réels, avec des délais trop courts, dans des formats encadrés et descendants.

C’est particulièrement vrai dans le processus actuel de réactualisation du programme. Ce moment, qui devrait être un grand exercice politique collectif, s’est enclenché sans véritable travail de formation à la base, avec des thèmes imposés, des questions orientées, et des prises de notes peu transparentes. Pendant que les membres participent de bonne foi à ce processus, des versions retravaillées du programme circulent déjà en parallèle dans certains cercles, loin de la base.

Il ne s’agit pas ici d’accuser, mais de proposer une autre manière de faire : plus ouverte, qui prends le temps ; bref, plus démocratique. Nous devons créer des espaces de formation, de confrontation d’idées, de réflexion réelle. Ce travail pourrait être non seulement politique, mais mobilisateur. Il pourrait ramener vers nous celles et ceux qui nous ont quittés, et convaincre celles et ceux qui cherchent une gauche crédible, vivante et cohérente.

Il faut une refondation démocratique. Une démarche horizontale, inclusive, joyeuse, enracinée. Revoir notre programme ; se pencher sur des sujets importants, oui — mais avec franchise, avec du temps, en impliquant les membres à toutes les étapes. Ces moments pourraient redevenir captivants, mobilisateurs, et ramener vers nous celles et ceux que nous avons perdus en chemin et ceux et celles qui cherchent une véritable alternative.

Je ne cherche pas à personnifier un mouvement. Être porte-parole, pour moi, c’est porter une voix collective, enracinée dans les luttes concrètes. Je veux que Québec solidaire redevienne un lieu d’organisation et de convergence : pour tous les Québécoise et québécois, pour les jeunes, les travailleuses et travailleurs, les chômeuses et chômeurs, les féministes, les militantes et militants communautaires et syndicaux, les groupes antiracistes — toute personne qui vit en marge du pouvoir et qui cherche une alternative réelle. Un lieu où l’on débat, où l’on agit, où l’on espère collectivement le Québec de demain.

Un parti fort parce qu’il est cohérent, accueillant et profondément démocratique.

Ce qui nous attend

Si nous voulons devenir un mouvement large, il faudra briser l’illusion qu’il faut tout lisser pour plaire. L’unité, ce n’est pas l’uniformité. C’est l’alignement volontaire autour d’un horizon commun : liberté, égalité, solidarité, démocratie, émancipation.

Je ne propose ni nostalgie révolutionnaire ni populisme creux. Je propose un projet politique crédible, ancré dans le réel, porteur d’espoir. Pour celles et ceux qui ne veulent plus de la gestion molle de l’inacceptable.

Je veux porter une autre voix. Celle de la base. Celle des membres. Celle d’un parti vivant, militant, transformateur. Québec solidaire ne doit pas être un petit parti de gauche poli à l’Assemblée nationale, mais un grand mouvement politique de rupture.

Si le vent se lève, je me lèverai avec vous.

On ne bâtira pas l’avenir avec de la prudence. L’heure est venue d’oser. Ensemble.

Geru Schneider
Militant de terrain, solidaire par instinct, par histoire et par espoir.